[RP] La CH, ça vous gagne !

Voilà près de trois mois que j’avais quitté la Provence et à part quelques détails comme le chant des cigales, l’odeur de la lavande, la fraicheur de l’anis ou encore les tortillades à la fleur d’oranger …. rien ou presque ne me manquait et à ceux qui me demandaient si je n’avais pas « la nostalgie du pays », je répondais sans mal « non ».

Je me laissais guider par Déos et marchais de ville en ville au cœur de cette Helvétie dont j’avais si souvent entendu parler sans pour autant m’y arrêter. D’ailleurs, Déos était parfois cruel avec moi. Oui oui …. Cruel … c’est bien le mot ! Il me faisait croire que je devais prendre la route vers le sud mais au dernier moment me guidait vers le nord ou alors, il me poussait à monter dans un bateau pour finalement me jeter à l’eau dans la foulée. Non, vraiment, il ne fallait plus que je cherche à comprendre. Je laissais donc mes amis helvètes prendre les choses en main, apparemment, chez eux, c’était inné.

Après avoir visité Fribourg, je me retrouvais à Soleure. Ahhhh Soleure ….cette ville que j’ai cherché des heures sur ma carte en me demandant si on ne m’avait pas pris pour une dinde avant noël. Heureusement qu’Izaac finissait par me donner un cours de géolanguigraphie parce que, oui, en plus de connaitre les lieux, je devais aussi en connaitre les subtilités linguistiques. Pourquoi j’ai l’impression qu’ils ne savent pas appeler « un chat », « un chat » …. Non vraiment Déos me compliquait la tâche, mais je ne faillirais pas !!!

Alors donc une fois à Solothurn … le vrai nom de ladite ville …. Je m’occupais en coupant du bois, jour après jour, musclant ainsi mes jolis petits bras, sans vraiment me mêler à la vie locale. Une sorte de travail méditatif. Mais voilà, qui dit bucheronnage, dit hache qui s’use, et qui dit hache qui s’use, dit besoin d’un forgeron. Et bien soit, j’allais en trouver un …. Y avait bien des forgerons par ici quand même. Après quelques déambulation dans les rues, je tombais sur une échoppe ouverte.

Bonjour, j’aurais besoin de faire réparer ma hache, vous pourriez vous en occuper ???

Un regard sévère et un signe négatif me fut alors donné pour réponse

Non ? et pourquoi non ? je veux dire, on ne dit pas non comme ça. Puis vous pourriez être polie, on dit « bonjour » quand même !!!. Ces commerçants de nos jours, ce n’est plus ce que c’était. A croire qu’ils ne veulent pas travailler. Et toujours avec son regard noir à faire pâlir un mort, j’avais encore droit à un non de la tête. Ce rustre n’ouvrait même pas la bouche.

ça commençait à me courir sur le haricot. Je croisais les bras sans le lâcher du regard. A ce jeu là, je pouvais aussi être douée.

C'est quoi le problème? c'est ma tête qui vous revient pas? vous servez pas les étrangers? ou les femmes peut être? ou même les Réformés? c'est ça? vous avez vu l'ichtus qui pend à mon cou et vous refusez de me servir à cause de ça? Allez, dites, je vous écoute!

et déjà un attroupement se formait autour de nous, tous avec des têtes plus surprises les unes que les autres, comme s'ils avaient devant eux une bête étrange

Au quidam à qui vous direz :

- C'est bien Soleure

Il y a 98% de chance qu'il comprenne :

- C'est bientôt l'heure.

Oui, Soleure, c'est ça ! Le presque anonymat pour qui n'a pas de lorgnons équipés de loupes lorsqu'il ouvre une carte de la Confédération Helvétique.

Au quidam à qui vous direz :

- Wie geht es dir ? (comment ça va ?)

Il y a 98% de chance qu'il n'y comprenne rien et qu'il vous prenne pour un Teuton.

Oui, Soleure c'est ça ! C'est Solothurn ! Petite ville à la langue germanique et son accent caractéristique où les "r" sont roulés comme les serviettes à carreaux blancs et rouges sur les tables des auberges.

C'est pour ça que la Madgnifique aime Soleure... Le blanc et le rouge des serviettes bien roulées.
C'est peut être un détail, mais pour elle, c'est "choliment" beau tout ça.

Oui, "Choleure", c'est en CH et c'est "choliment" schön ! (beau)

Madeline venait justement d'acheter quelques serviettes à carreaux pour la Compagnie Réformée du Léman.

Faites redescendre votre sourcil qui vient de se dresser d'étonnement et remettez-vous de vos émotions - voire de votre déception .
Oui, les Ambuleurs ne sont pas des Dieux, ils se nourrissent.
Oui, les Ambuleurs mangent parfois comme des cochons - surtout les vieux - et les serviettes sont nécessaires.

Et oui...
Bref ! Les serviettes donc !

Qui dit serviettes, dit ronds de serviette.
Qui dit ronds de serviette, dit métal.
Qui dit métal, dit attaque !
Qui dit attaque, dit armes.
Qui dit armes, dit forgeron.

"De la serviette à carreaux au tablier du forgeron, il n'y a qu'une porte à ouvrir. " (Citation du grand Karl, couturier de son état)

Voici donc pourquoi la Madgnifique arriva dans l'échoppe du forgeron : y acheter des brols - merci à Phil d'enrichir mon vocabulaire - pour y glisser les bavoirs aux pépés !



- MORGEN ! (Bonjour)

Et là, surprise, surprise ! Non, le forgeron n'est ni bel, ni veau, ni en marcel...

- Charlotine !!!!! Alors toi aussi tu viens acheter des ronds de serviette ?

Kirkwood s’avança. Comme de juste, il n’avait pas été sollicité. Bien entendu, ça n’avait aucune importance. Il savait qu’il pouvait aider. Le “comment” n’avait guère d’importance.

M’ouais, les filles, j’vous voyons bien perplexifiées face à l’Helvétitude.
Fallions qu’j’vous racontions une “story”, une “historia”, une “Geschichte”, brefle, une histoire… J’pensions qu’ça allions aider.
Pasque bon, l’organisature helvète, c’estions une chose, vous avions d’jà goûté z’un brin…
Mais y’avions z’aussi la division linguistique, l’Est et l’Ouest, tranchée telle le mur de la honte moyen, et ça, ça disions tout… Alors, pour vous explicationner…

Figurions-vous une bûcheron, un vrai, un viril de la virilitude, fonds d’vallée et tout, hein, les poils et l’reste qu’on dirions…
Imaginions-le en train d’chanter sa vie, son idéal, avec sa blonde à ses côtés, repris par un chœur de gens d’armes en uniforme fribourgeois, le célèbre gambison rouge, la culotte bouffante et le chapeau pointu.
Écoutions-le :

Citation :

Je ne voulais de toute façon pas être barbier.
Je voulais être bûcheron ! Sautant d'un arbre à l'autre pendant qu'ils flottent dans les puissants fleuves de la Confédération Helvétique !
Le hêtre !
Le chêne !
Le mélèze !
Le puissant pin sylvestre !
L'odeur du bois fraîchement coupé!
L'écrasement des puissants arbres!
Avec ma petite blondinette à mon côté!
Nous chanterions ! Chanterions! Chanterions!

Vous visualisions l’ambiance, hein ?
Alors, voyons la suite, avec c’te chanson du bûcheron :

Citation :

Chanson D'un Bucheron

[Refrain]Je suis un joyeux bûcheron,
Je dors toute la nuit et travaille tout le jour.

CHOEUR : C'est un joyeux bûcheron
Il dort toute la nuit et travaille tout le jour.

J'abats des arbres, je mange mon déjeuner,
Je vais aux toilettes.
Le mercredi je vais faire les courses,
J'achète du pain pour mon vin.

CHOEUR : Il abat des arbres, mange son déjeuner,
Il va aux toilettes.
Le mercredi il fait les courses
Et achète du pain pour son vin.

[Refrain]

J'abats des arbres, je danse et saute,
J'aime jouer avec des pâquerettes.
Je m'habille en femme,
Et je vais hanter les bars.

CHOEUR : Il abat des arbres, il danse et saute,
Il aime jouer avec des pâquerettes.
Il enfile des vêtements de femme (heu ?)
Et va hanter les bars

[ REFRAIN ]

J'abats des arbres, je porte des talons hauts,
Une gaine et un soutien-gorge.
J'aurai bien aimé être une fille,
Tout comme mon cher papa.

CHOEUR : il abat des arbres, porte des talons hauts,
Une gaine et un soutien-gorge ?!?!

Voilà, c’qui se passions en Confédération d’langue française.
Alors que si on examinions c’qui s’passe en Confédération d’langue allemande. On disions “schwitzerdutsch”, quand on prenions l’temps pour la prononciation. Sinon, y’avions “bourbine”, c’estions un brin plus rapide. Pis ça faisions moins mal aux dents, s'pas...
Alors, là encore, fallions de l’imaginature, hein.
Bon, l’costumes, c’estions… À peu près pareil. Mais subtilement différent. La culotte de cuir, plutôt que les braies, Lederhosen. Le couvre-chef… Ah, c’estions plus habillé, moins sauvageon, quoi, sûr… Pis le chœur, fallions l’imaginer avec le costume des gens d‘armes soleurois. Parfait pour s’battre en ville, hein…
Alors, imaginature, écoutions la chanson, la même, hein, à Soleure, Solothurn ::

Alors, quoi qu’vous en retenions, comme différences ? Hein, oui, hein, la bière remplaçions le vin, quand même…
Et ça, c’estions très dur à vivre, quand on avions point l’habitude…
Hein, c’estions plus clair, comme ça, la fracture helvétienne ?!

M’ouais, j’estions point sûr que vous soyons éclaircifiées autant que je l’aurions voulu. J’pourrions vous détailler davantage la géopoliticature helvète, mais…
J’avions aveu à faire…

Kiki hésite. Certes, c’est important. Mais est-il bien sûr de ce qu’il a vu ? Compris ?
Surtout compris.
Quoique.
Il finit par se jeter à la flotte, après quelques –vagues– hésitations supplémentaires. Difficile de savoir si elles sont sincères ou juste pour mieux appâter les curiosités.
Après tout, plus madré que lui, tu meurs…
Mais bon, qu’il s’agisse de la Compagnie réformée du Léman ou des sicaires, ces zélotes de la Réformation de l’Aristotélicité, quels que soient ses compagnons, nul ne peut ignorer longtemps à quel point le Lecteur de Genève est capable d’être roué pour mieux s’exonérer.
Mais bon, si l’honnêteté ne l’étouffe guère, il ne ment quand même pas tout le temps.
Mais bon, ‘vaut mieux se méfier quand même.

Enfin, j’disions « aveu ».
C’estions point juste. Point tout à fait. Aveu car j’avions rien dit jusque-là. C’estions tout.
Je L’avions vu en rêve.
Lui.
Deos.
Il m’avions parlé.

Silence…
Ah… quand même…

Interruption : Charlotine vient de comprendre le bilinguisme helvète.
Kirkwood qui réussit à faire comprendre un truc à quelqu’un ? Ça l’étonne lui-même d’ailleurs. Une première. Sans même faire appel à sa mauvaise foi légendaire ? Il en est plutôt fier et ça pourrait peut-être l’inciter à raconter son histoire d’une autre manière.
Mais Charlotine finit par rajouter

Charlotine a écrit:

Pourquoi sa blonde d'abord au bucheron? pourquoi il n'aurait pas une brune? c'est quoi encore ces préjugés? Déos nous a tous fais égaux. Il ne regarde pas la couleur de notre tignasse mais le fond de notre cœur.

Heu, si fait, si fait. Mais c’estions une manière de dire, c’estions tout. Point pour dénigrer l’un ou l’autre des crétins d’enfants d’Deos. En Toscane, j’aurions dit « sa brune ». Pis on pouvions raconter l’histoire avec une brune pour toi, une rousse pour Sanctus ou une auburn pour chais pô qui ?
Oki-doki ?

Heu, j’en estions où, moi ?
Pasqu’il me semblions que je parlions d’un truc, de… ?
Ah, oui, de Deos en rêve…

Ah oui, tiens, pas cron...

Si fait…
La première fois que je sentions que l’God Tout Puissant me causions, j’avouons…
Sûr que j’savions point où me foutre…
En même temps, en rêve, pour trouver un autre endroit, z’avouerez…
Non, pasque j’aurions bien voulu, mais…

Ou comment perdre du temps à développer quelque chose d’inutile… On retient un soupir…

D’abord, j’avions eu ‘achement peur, hein…
C’te gueule ! Brrr…
Un œil fixe qui te regardions, glaçant, comme lors d’un jugement. L’autre en retrait, attendant ta réaction.
Le front buriné de l’âge de l’immensitude, qu’avions vécu, s’pas ? Pis couronné d’une auréole, œuf corse.
Des oreilles à la dimension d’un canton.
Un nez comme, comme… ?
Un roc ? Un pic ? Un cap ? Que dis-je, un cap ? Chais point trop comment dire… Une péninsule ?
Pis un menton, macache ! De quoi ranger un écritoire ou une boîte à ciseaux !

Et si vous m’demandions comment qu’une tronche pareille pourrait être celle de Deos, j’vous répondions et vous rappelions qu’le Sans-Nom estions flagorneur, courtisan, séduisant, charmant. Et vous avouerions qu’avec z’une portraiture pareille, y’avions point moyen d’envisager la chose ainsi !

Et tout en écoutant Kirk et ses fabuleuses histoires, en parallèle - donc à côté - la Madgnifique inspectait une bien belle épée. Le forgeron, silencieux mais attentif, attendait le verdict.

- Das ist gut Arbeit. (C'est du bon travail)
- Danke sehr... Wieviel ? (Grand merci... Combien ?)
- 72... Wieviel jede ? (72... combien chacune ?)
- 140
- Prima !

Regard vers Charlotine tout en tapotant le 1/72ème de ses achats.

- C'est pourtant nécessaire lorsqu'on prépare un grand banquet.

Sourire à Kirk dont les rêves l'interpellent.

- C'est amusant... J'ai comme l'impression de croiser ton Déos tous les jours. En ce qui me concerne, je ne connais que sa voix. Une voix grave de fumeur de pipe, une voix un peu usée mais qui reste douce et posée.

Et toute fière...

- Et il me connaît bien. Y'a comme qui dirait une certaine familiarité entre lui et moi. Quoique je fasse, où que je sois, il sait ce que je fais et où je suis. Et à chaque fois - c'est à dire quand je m'y attends le moins - il se manifeste à moi avec un... Madeliiiiiiiiiiiiiiiiiiiiine !!!!! C'est... C'est... parfois un peu traumatisant, je vous le concède...

Réflexion interne tandis qu'elle sort sa carte GOLD de la Compagnie.

- Utilisez les points, je pense qu'il y en a quelques... milliers...

Notez-là, chers lecteurs, que la Madgnifique n'a pas usé de la langue teutonne. Comme quoi, quand il s'agit d'encaisser, un commerçant devient polyglotte par la volonté de Déos, naturellement !

- Et toi Charlotine ? L'as-tu déjà vu ou entendu ?

– Mais bon, après un ch’tit moment, j’avions parfaitement compris, passqu’il aurions fallu être un criquet nain appartenant à une espèce pygmée pour ce qu’estions de la taille de l’intellection, hein, pasque c’estions clair, hein !
‘Fin, pas tout quand même…

Citation :

Kirkwood !
Écoute ! C’est Moi !
Deos, ton Dieu !
L’Unique !
Car à la Fin Il ne peut en rester qu’Un !
Kirkwood de Genève !
Écoute !
Lève-toi, et marche ! (Heu, non, qu’est-ce que je raconte, moi, là ? Hum…)

Faut reconnaître, on serait perturbé à moins…

Citation :

– Moi ton Dieu !
Créateur de l’univers ! du monde ! des scoubidous et des mistrals gagnants !
Qui a réunit toutes Mes créatures et adoubé Oane qui seul avait compris la logique de Ma création !
Qui a inspiré Aristote ! Christos ! Averroes !

Moi ton Dieu !
Qui t’a donné le Verbe (si c’est pas franchement un cadeau pour les autres, ça rend quand même service… De temps en temps), ton direct du gauche, (ah non, quand même ! Le cerveau, autant oublier, un peu de décence quand même… Et puis, insister sur les défauts de fabrication si ce n’est de conception…) ton… instinct (oui, c’est bon ça, on peut faire passer n’importe quoi avec ça…), ta ténacité (plutôt que ton obstination, passons…).

Kirkwood de Genève !
M’entends-tu ?!

– Gnié ?

– Ça commence bien…

Citation :

– Kirkwood ? Kirkwood de Genève ?

– Gnié ?

– Kirkwood ? Mon petit Kirkwood ?

– Gnié ?

– Oh, Kirkwood ? Kirk ? Kiki ?

– Gnié ?

– Kiki ? Coucou ? Kirikiki? Kiwi ? Kiri ? Coucouloucoucoupaloma ?

– Gnié ?

– (Bon, là, il beugue* sévère. Allo la base, allo la base, répondez. Sujet proche de la catalepsie, pardon, cataleptique, pardon, il a dépassé la catalepsie, là. Que préconise la procédure?

– Heuuuuuu... ‘Tendez, patron, je regarde… Heu... XF-IV, 4, B, d, alinea… Oui, j’ai. Ah. Patron ?

– Ouais ?

– Le manuel recommande le coup de pied au cul…

– Ah ? Bon, d’accord, après tout… Vous savez ce qu’il vous reste à faire ?

– Oui, patron. Distribution de cire pour nous et augmentation du niveau du strepituspectroapparatus**.

– Bien, vous êtes prêts ? C’est parti) KIRKWOOD DE GENF ! REVIENS À TOI ET MOI OU JE T’ENVOIE ÉVANGÉLISER LA MOSCOVIE AVEC UN DICTIONNAIRE BOURBINE-ROMANCHE POUR SEULE AIDE !!!

– Sai, Seigneur ?

* Locution proverbiale helvète ; gaspiller du fromage, donc devenir fou.
** Latin gastronomique pour clercs ignares mais snobs : "streptitus", le fracas, le bruit désagréable.

Il avait mis l'orteil dedans, puis le pied, puis la jambe et ce fut au tour de son corps tout entier de plonger dans l'univers de la narration.
Et un Kirkwood qui raconte, on sait quand ça commence, mais on ignore toujours quand et de quelle trempe sera la chute.
Quoiqu'il en soit, c'était un réel plaisir de se laisser tomber dans ses torrents de mots et c'était bien là l'essentiel.

Le forgeron - même s'il ne pipait mot à l'histoire - avait bien compris que ces trois énergumènes en avaient pour un petit moment et l'hospitalité suisse faisant, il leur offrit de quoi poser leurs petits culs.
Car une histoire Kirkwoodienne, ça s'écoute assis et en silence.

Mad ne voulut pas l'interrompre, mais elle marquait qu'elle suivait bien la trame par une succession de sourires et de mimiques au fur et à mesure qu'il contait.
Elle se risqua tout de même à une question, impatiente qu'elle était :

- Et ?.

Pas plus.

Madeline a écrit:

- Et ?

– Be, j’m’estions bien fait souffler dans les bronches jusqu’aux bronchioles sans broncher, j’te l’assurions ! Biscotte j’estions point trop fiérot !

Citation :

– (Ben ? Pas trop tôt.) Kirkwood de Genf !

– …

– Je ne suis pas content de toi !

– Aaaaaaaaaaaaaarglups ?

– Trois ans que tu glandes à la sauvage !

– Aaaaaaaaaaaaaarglups ?

– Tu cèdes à l’acédie ou quoi ? Un culte paresseux par ci, une chanson par là, la part du Lion tous les trente-sept* du mois, une vente de maïs pour décorer… C’est n’importe quoi.

– Aaaaaaaaaaaaaarglups ?

– Si tu ne varie pas tes réponses, Je te signale que Ma menace tient toujours.

– Oui, Seigneur.

– Tu vas te remettre au boulot vite fait ! La Réformation de la foi aristotélicienne nids iou ! Elle n’attend plus ! Si je me fais bien comprendre ?

– Ben pourquoi, Seigneur…

– Parce que la Réformation, elle a besoin de toi !

– Comment ? Moi, Seigneur, qui n’estions qu’un pauvre pécheur, avec mes pauvres pattes de forgeron…

– Ah non, le coup des pauvres quelques pâtes, on Me l’a déjà fait !

– Gnié ?

– Tu os… (heu, non, ça, il ne peut pas comprendre, c’est sûr…) Hum… Rien, laisse tomber…

* Rien n’échappe à l’importance des nombres premiers. Il paraît que c’est expliqué dans les plans divins. Encore faut-il les connaître, s’entend…

Citation :

– Kirkwood de Genf !

– Oui, ô God tout puissant ?

– Tu vas étudier pour pouvoir prêcher Ma parole avec davantage d‘efficience

– Non, je ne…

– Quoi ?

– Rien, rien. Oui, Seigneur Deos. Bien sûr mon God Tout-Puissant. À Vos z’ordres, Seigneur. D’accord Seigneur. Toujours prêt, Seigneur. Dans la joie jusqu’au cou, Seigneur.

– Je préfère. (Heu, j’en étais où, Moi ? Ah, oui)
La Réformation de la foi aristotélicienne doit se poursuivre !
Irriguer toute l’Helvétie, canton par canton !
Déborder par ses pourtours pour gagner le monde entier !
Par le Verbe sinon le Glaive.
Voire le pognon. Vous n’êtes pas en Helvétie pour rien, non plus…
Hum, d’ailleurs, dis-moi, mon petit Didi, heu, Kiki ?

– Oui, ô God tout puissant ?

– Si on parlait un peu, maintenant ? Genre entre nous, quoi ? Entre quatre yeux…

– Heu, God tout puissant ?

Citation :

– Oui. Dis-moi, tu n’es pas très malin mais tu as un flair de prédateur, pour certains trucs. (Regarde à droite puis à gauche) Entre nous, ça t’inspire quoi, l’occupation de Genève par les hérétiques romains* ? T’inquiète pas, ça sortira pas d’ici.

– Heu, God tout puissant ?

– Oui. Toi, tu n’as pas oublié que rien ne se fait ici bas sans Mon consentement, hein ? Que si Je laisse, dans Mes omnipotence et omnicience, prendre le Phallus de Ma création, c’est sans doute pas pour des prunes, des poires ou des scoubidous ?

– Heu… ?

– C’est ça. Bien sûr, il y a d’abord une épreuve que je vous envoie dans Mon infinie bonté. Un blasphème à purifier. Mais tu as compris qu’il y avait un plan du plan dans Mon plan, hein ? Ton instinct, évidemment. C’est bien ce que je me disais.

– Heu… ?

– Que Je leur médite un châtiment encore plus terrible pour leur orgueil et que Je les précipiterais dans la Géhenne !
Non, mais qu’est-ce qu’ils croient, ces petits rigolos ? Ils sont gonflés, quand même ! Ouais, ils ont beau avoir des corones grosses comme des carrioles, ça ne les sauvera pas de Ma fureur !

* C’est le Deos de Kiki, hein, pas d’un autre. Ceux qui pensent qu’il s’agit néanmoins du même peuvent passer dans la [url= http://forum2.lesroyaumes.com/viewforum.php?f=8780]pièce à côté[/url]** pour les discussions théologiques…
** Forum 2

Citation :

– Heu…

– Bon, je m’énerve, je m’énerve, mais tu vois, mon petit Kiki, je m’étonne encore que certains pensent que la simple occupation de Genève puisse bloquer Mon Œuvre de Réformation de l’Aristotélicité ? C’est quand même sidérant, non ?

– Ben, c’estions à dire que…

– Des années que Je vous encourage, à vous envoyer des rêves, des signes, des messages. Que Je vous impose des Épreuves pour vous grandir, des échecs pour vous fortifier, des victoires pour progresser !
Pour réformer les mœurs, ouvrir l’esprit et l’horizon.
Pour donner le goût de Ma liberté.
Pour refuser les sirènes du Mississippi, pardon, du Sans-Nom, pose pas de question...

– Heu…

– Pour lutter contre la lèpre du sommeil qui ravage les Royaumes.

– Vray que…

– Si ce n’est l’œuvre impie du Sans-Nom ! Et ça à cause du paternalisme imbécile et prétentieux d’édiles cooptés qui composent avec l’Ennemi d’Enfer et refusent aux autres Ma liberté, pourtant la base de Ma création !

– Heu, ben ouais…

– À cause de ces adorateurs du Veau d’Or, obsédés par le seul prix du maïs ou de Je ne sais quoi. C’est mettre l’Effet avant la Cause, le symptôme avant la maladie, nom de Moi de bronx de Moi !

– Heu ben ouais, y’avions point, …

– Et tout ça qui s’appuie sur la Bizoue, cette infection abominable ! Gentils, méchants, sentimentalisme qui pleure sur les petites fleurs pendant qu’on écrase Mes liberté et responsabilité dans l’indifférence. À pleurer…
Tu avoueras qu’il y a de quoi s’énerver, mon petit Kiki ?

– Ah, ben ouais, c’estions sûr …

– Alors, bon, Je cause, Je cause, mais va peut-être falloir se sortir un peu les doigts, mon petit Kiki. Hein ? Histoire qu’ils comprennent bien, les séides du Sans-Nom, qu’eux se le fichent profond, genre du croupion au poumon, à penser qu’occuper Genève bloque Mes enfants, ceux qui ont compris Mon message.

– Ouais, fallions…

– Parce que bon, tu le sais. Avec tous les projets qui sont en cours… Alexandrie, Barcelone, Londres, Vienne… La Bourgogne et la Provence. L’Hydre, le Fatum et l’Eldorado… La Confédération et l’infiltration des élites. Hein ? Bon, tu t’en doutais, avec Mon omnicience ?

– Heu, ouais, bien sûr, c’estions juste que…

– Bon. C’est pas tout, mais ‘faut que j’y aille. Dommage. Bonne conversation. C’était bien, d’échanger avec toi. Mais bon, tu comprends, J’ai des obligations, hein ?

– Heu, ben, heu…

– Allez, à la prochaine, Kiki. Prie Moi bien.

– Heu, ben, … Ouais ?

Comme le dit le titre. Je réponds à ta marionnette demain, Mad

Citation :

 Interlude deuxième

Zigouigouiscataplasmcrrr…  Crrr… Patscheueurqueuhcrrr … Sritchcrouacrrr… Crrritzipasmoilcricrrr… Crrr… Scriwtcrrr…

– Ça y est ? Terminé ?

– Oui, patron, ovaire.

– Alors, c’était comment, j’étais bon ?

– Aucun problème patron, très bon, comme d’hab...

– Génial, patron, superbe !

– Superbissimesque, boss !

– Greeeeeeeeeeeeeeean !

– M’ouais, je ne sais pas trop…

– Oh, mais non patron !

– Oh, mais si patron !

– Greeeeeeeeeeeeeeean !

– Ouais, bof, calmez votre joie, quand même… Surtout toi, Géant Vert…

– Greee… Heu…

– C’est mieux. Mais je reste dubitatif…

– Pas de raison, patron. Bonne alternance d’éléments pour le driller dans le bon sens…

– Ah ouais, ah ouais, non, rien à dire, très bon…

– Ah non, ah non, il faut le dire, oui, excellent…

– Greeeeeeeeeeeeeeean !

– Géant Vert, tu retournes à tes maïs et tu nous laisse bosser…

– Greee… Et crotte…

– Bon, donnez-moi les notes, que je puisse vérifier tout ça. À quand ma prochaine apparition ?

– Dans une heure, patron.

– Juste le temps de me préparer. Bon, je vais me débarbouiller et je me prépare.

Madeline, CA, c'est de la flatterie :

Citation :

Madeline a écrit:

- Et il ne t'a pas demandé d'aller torcher le vieux ? Hum ?

Le Vieux ?
Pour Kirkwood, il n’y en a qu’un.
Izaac.
Qu’il respecte et redoute.
Car celui qui se fait nommer Izaac Dusalève est le Sidi suisse, le Vieillard de la Montagne de la secte des Sicaires de Deos, le Bourreau helvète à la cognée et au col roides comme la Loi.
L’homme aux cents tours et aux milles ruses incarne l’Esprit du Fennec alpin, craint de la guilde des voleurs, des faux mendiants aveugles et des fabricants de fausses reliques de Cologne, Compostelle et Rome.

Il a défendu Genève avec les autres sicaires dès la 1e croisade.
Il entra à la tête des renforts helvètes dans Pontarlier, juché sur sa célèbre mule Ingeburge ; une stèle discrète à côté de l’église honore commémore l’événement.
Agitant ses pudendas à la face des Béarnais, il permit ainsi aux Compagnies Reitres Suisses de passer à leur nez et à leur barbe –ce dont ils s’arrachèrent les poils de dépit–.
Il participa au plan génial qui vit la capture, le procès et l’exécution du pape Innocentus à Mende, remplacé depuis par un pauvre sosie tremblant.

Année après année, il participe à la lutte pour la propreté des alpages, souillés par les curistes romains qui déferlent sur Genève. Besogne toujours remise en chantier, persuadés que sont les croisés d’avoir travaillé à la victoire de l’hérésie romain par ce seul pèlerinage armé. Et ce alors même qu’ils enrichissent la Confédération par leur présence et diffusent sans le savoir la Réformation de l’Aristotélicité à leur retour.

On l’appelle aussi le Rêveur de Deos, le Messager aux babouches, le Père du Simultaneum du Phallus. Discourant à son aise au souk, disert et courtois en société, clairvoyant à l’infini sur le gouvernement de la cité, pessimiste sur les hommes mais confiant en le cœur de Dieu, il est Socrate facilitant l’accouchement de la vérité chez son interlocuteur.
Chroniqueur infini, il note au calame sous ses paupières les faits et récits remarquables de notre temps à l’aune des ères antérieures.
Ainsi, voilà l’Homme aux quatrains, ainsi que l’ermite au désert qui interpelle les puissants : cheiks, sultans, rois, empereurs. Celui qu’on consulte pour l’interprétation du droit, tant civil que sacré. Celui qui s’informe sans cesse des différents aspects, tant monumentaux que triviaux, et des progrès de la réformation de l’Aristotélicité.

Mais vray enfin qu’il est aussi le craignant-Dieu, pour ce qu’à chaque missive, chaque geste, chaque pensée, il rappelle la parole de Deos à l’âme, au jour du Jugement, lors de sa pesée : « Qu’as-tu fait de cette vie que je t’ai donnée ? »

Il est également menteur, hâbleur, roublard, voleur, rhétoriqueur de grand chemin, d’une moralité douteuse et d’une réputation ambigüe.
Car les Romains crachent sur son passage, comme bien d’autres, persuadés qu’il se livre à un commerce infâme avec sa mule en les cimetières et autres enceintes sacrées. Nonobstant même ce que les premiers appellent son hérésie.
Car les Helvètes et surtout leurs notables s’horripilent à le voir, inusable comme sa montagne et léger comme elle en son argumentaire. À l’entendre pontifier un jour, charmer le suivant, se taire longtemps puis tancer d’un verbe meurtrier en mettant son interlocuteur en face de ses contradictions devant Deos.
Car certains chuchotent tout bas qu’il se lave moins qu’il ne faudrait, et pas du tout avant de boire sa camomille.
Car il est également connu dans certains milieux sous le sobriquet de « Requiem », dit « la Bombarde », dit « le Poison », dit « Prise de tête », dit « Belle Châtaigne ».
C’est curieux comme les gens sont méchants ?
Mais nul ne doutera qu’on le craigne et le respecte.

Et pour revenir à notre propos, Kirkwood ne peut guère comprendre ce que Madeline entend.
Aussi répond-il, perplexe :

- Heu, ben, nan, j’croyons point ? Il estions point question d’humiliation, il me semblions ?
Pourquoi ??????

A toi la passe !

*se pince le bout des tétons

Encore....