L'important ce n'est pas la destination, c'est le voyage.
Alors que je jette un regard postérieur sur les évènements qui se sont écoulé le mois dernier, il me semble que c'est LA phrase qui décrit le mieux notre voyage, ou du moins celle qui s'en rapproche le plus.
Moi qui n'avais effectué que des missions de négoce de courte distance c'était la première fois que je partais en GUERRE. Le mot semble un peu fort, mais la suite de cette épopée en justifie la violence et je vais vous la conter. Alors que nous allions par les chemins sans en connaître la destination, l'excitation montait dans les rangs et on ne put empêcher le massacre de quelques touristes refusant de nous laisser le passage. Il me semble que moi-même j'en ai pourfendu un ou deux dont la tête ne me revenait pas, mais quand deux armées avancent côte à côte, ne fait pas le mariole et on se range gentiment. L'arme était de bonne qualité, solide mais pas trop lourde et un équilibre parfait: les forgerons Renard font un travail remarquable.
Les vrais combats commencèrent par la prise de Briançon. Les citoyens s'étaient réunis pour défendre leur ville, et bien qu'ils se soient défendu Vaillamment ils ne firent pas le poids face à une armée de métier. Taillant tanto dans la chair, tanto dans les Os mon épée virevoltait au-dessus de moi et je ne pouvais m'empêcher de sourire niaisement, la prise d'une ville c'était quand même autre chose. [...] Ce n'est que le soir que je réalisais de quelle violence avaient été les combats, mon ensemble taché de sang alors que je n'avais pas une seule blessure me ramenait à la terrible vérité. Je m'étais déchainé plus que de raison.
Je décidais donc d'aller faire un tour dans la fraîcheur de la nuit, me rincer le visage et décrasser un peu mes vêtements. C'est cette nuit pour la première fois que j'entendis parler de la Réforme. Il n'est de Dieu que Dieu. Sur le chemin du retour au campement, je passais devant la mairie, lieu où les affrontements avaient été les plus violents. Sans m'en rendre compte, j'avais déjà posé un genou à terre et sortis mon épée que je tenais de mes deux mains la pointe de la lame sur les pavés. Alors que je repensais aux évènements de la journée, je ne pus retenir une larme. Je laissais alors tomber ma tête contre mes mains et je commençais à prier pour la première fois. Je ne saurais me rappeler exactement ce que j'ai dit à Dieu, ni même savoir si je lui ai demandé quelque chose dans ce moment d'extrême solitude. Mais lorsque je me suis redressé je n'avais plus qu'une envie, vider une Pinte et aller me reposer.
La Suite de l'aventure est beaucoup moins romanesque, atteint de maladie je suis dans l'incapacité de garder un repas. Impossible de manger en taverne non plus, leurs portes restent fermées face à l'envahisseur Helvète. Trois jours durant, alors que les armées Provençale et Dauphinoise unies sont en route pour nous déloger je souffre le martyre et rend la moitié de ce que je mange. Lorsque les combats reprennent enfin, après quatre jours d'attente et toujours diminué: je pare un coup de justesse avec mon bouclier et me retrouve à terre. Avant de tomber dans les pommes pour le reste du combat je rends mon dernier repas. Lorsque je reprends connaissance, je baigne dans un mélange de sang et de vomi si seulement j'avais pu rêver tout ça et me relever avec une gueule de bois.
Un nouveau jour se lève sur Briançon, je suis désormais convaincu que je vais y rester mais c'est la rage au ventre et déterminé à vendre chèrement ma peau que je me rends sur le champ de bataille. Les assauts se succèdent et je tiens toujours bon, j'ai eu la bonne idée de me rendre au combat sans manger, je ne suis pas balonné et mon corps semble réagir parfaitement. Un soldat de l'alliance Rhodanienne me prend à partie, je suis malmené sous ses coups, mais mon bouclier tient bon comme le bonhomme derrière. Dans un ultime effort, je dévie l'un de ses coups avec mon épée avant de lui enfoncer dans le flanc. Un flot ininterrompu de sang s'écoule de sa blessure, il va sûrement mourir. Le lendemain viendrait mon tour, mais ce soir-là je ne le savais pas. J'ai bu une pinte et mangé un peu de maïs grillé avant d'aller me coucher; ce soir-là la vie semblait avoir repris un cours normal. Avant de m'assoupir, je remerciais DEOS d'avoir veillé sur moi et mes compagnons d'armes et je le priais de veiller sur les êtres qui m'étaient chers et restés à Sion ainsi que sur ma maison
En ce jour fatidique du quatorze Mars mille six cent soixante cinq je mourus. Mon combat final ne fut ni beau ni héroïque comme on peut l'entendre dans les chansons de geste. Comme venue de nulle part, je sentis la pointe d'une lame se glisser entre mon bras et mon bouclier, déchirant la chair et pénétrant la cage thoracique brisant les os au passage avant de se loger dans le poumon gauche.
Mon esprit est un peu confus en ce qui concerne la suite. Alors que je pensais m'être noyé dans mon sang, et que toute trace de vie semblait éteinte je me mis soudain à baigner dans une lumière insoutenable mon envie de vivre n'avait jamais été aussi vive. Pourtant mon corps ne réagissait pas...
La tache qui t'est destinée n'a pu être accomplie, c'est pourquoi tu dois vivre afin que ton destin se réalise. La voix était à la foi Sentencieuse et Patriarcale et semblait venir du fin fond de moi même.
.... lorsque mon corps put se mouvoir de nouveau, j'étais étendu à terre sans arme ni bouclier la seule preuve que je n'ai pas rêvé: un trou rouge à mon côté.
Durant quinze jours le pain et le maïs semblèrent à mes papilles des plats de qualité et le fait de les digérer parfaitement ajoutait encore à la qualité du moment que je vivais. Le soir, endormit sous ma charrette je me régalais d'un délicieux nectare que j'avais emmené avec moi. Mais je ne suis pas mécontent d'être rentré et de partager avec vous un peu de ce voyage au départ de Sion et dont je suis chanceux de revenir.