iZaac Faucheur Volontaire
Messages : 5831 Date d'inscription : 10/06/2008
| Sujet: [RP] Objectif Lune. Chroniques de Fernand ( Épilogue) Jeu 13 Juin 2019 - 9:21 | |
| [rp]C'est un beau matin de printemps, il fait beau, les petits oiseaux chantent, tout ça. Sur le perron de sa villa de luxe, Fernand beurre ses tartines. Le service des postes bourdonne d'activités tout autour de lui, mais il n'y fait plus trop attention, même si parfois, lorsqu'il est contrarié, il lui arrive encore d'attraper par le cou un des ces petits fumiers au tient verdâtre et de lui briser la nuque pour se défouler. Mais ça ne vaut pas un peintre et de toute manière, l'acte est vain: il y en a toujours autant. [/rp] Dans la pile de courrier qu'il a quasiment cessé de lire depuis des semaines, il distingue une épaisse et lourde enveloppe dont le cachet - cire noire, motif de crâne - et l'odeur - putréfiée - attirent son attention. - Scratch!Dedans: une ardoise gravée, un oeil sanguinolent et une lettre tâchée de sang:Selon vos instructions, le petit borgne est mort. Il a bien pris la chose et n'a pas lutté. Sauf pour donner son dernier oeil que nous avons prélevé post-mortem en échange d'une bonne histoire. Ci-joint, son dernier message pour complaire à ses dernières volontés. - Citation :
- A la fin, Tout doit disparaître.
Carne. - Sergent! Prenez une pelle et suivez-moi!- Pour quoi faire? - Creuser un trou.- Non merci, je suis occupé.- A quoi? vous ne faites rien du tout.- Et alors? - Allez, venez. Un dernier effort, après, promis, je ne vous embête plus.- C'est toujours ce que vous dîtes et on se retrouve toujours dans la merde jusqu'au cou!- Allez quoi, faites pas votre bégueule, regardez, j'ai une jolie pelle, moi aussi et c'est dans votre derrière que je vais creuser avec si vous vous levez pas.Une fois les palabres terminées, ils finissent par sortir. Ils vont dans le jardin et ils creusent un grand trou. Ils creusent longtemps. Entre deux pelletés, Fernand guette du coin de l'oeil la ruelle un peu plus loin. Les murs gris semblent fins comme du papier, ils tremblent comme un décor mal planté, torturé par le vent. Tant qu'il peut du moins car après, le trou est trop profond. Le jour s'écoule comme dans un rêve. Ils creusent. Ils creusent jusqu'à ce que la terre qu'ils charrient devienne grise comme de la cendre, inconsistante, sans poids. Ils creusent comme s'ils ramaient sur le styx. Et le jour s'écoule comme un pichet fêlé. Ils creusent et creusent encore jusqu'à ce que plus rien ne se loge dans leur pelle et que la petite musique criarde qui leur parvient d'en haut soit en sourdine.- Bon, ça devrait aller. Passez-moi les lapins.- Je croyais que c'était vous qui les aviez.- Non, je vous avais dit de les prendre.- C'est même pas vrai!- Non, mais c'est quoi ce gros cliché?! Allez me chercher ces putains de lapins!!!!!Un peu plus tard.... - J'suis crevé... les voilà vos foutues bestioles... quoi qu'est-ce qu'il y a, vous avez pas confiance? - Si, bien sûr, je vérifie simplement qu'ils n'ont pas des longues queues, c'est tout... Je vous connais. - Et pourquoi il faut des lapins d'abord?- Je... je ne sais pas, ça m'a paru ... approprié... j'ai l'impression que ça marchera mieux avec des lapins.- Ah... alors on fait comment? Vous avez un couteau? Je vous préviens, c'est pas moi qui y retourne, cette fois...- Merde... C'est pas grave, on a qu'à les écraser avec nos bottes.- crouiiiiiiic... splatsch!!!A la fin, ils remontent comme ils peuvent. C'est-à-dire en s'engueulant parce que le sergent a pété et qu'il était premier de cordée.Une fois qu'ils sont dehors, C'est pas fini. Ils se mettent à faire des allers-retours pour vider la baraque. Et ils jettent tout dans le trou. L'or, les armes de collection, les jambons, le blé, les vêtements, les socs, les charrettes, les traîneaux, les tonneaux de vins fins, et de gnôle écossaise, tout.... mais tout!!! Ça prend un temps fou parce qu'après une vie bien remplie de meurtres, de détournements, de rapines et de gaspillage, Fernand est toujours plus riche que la Lorraine et la Savoie réunies.Enfin, c'est terminé. Fernand s'assied au bord, s'essuie le front et sort une petite bouteille en gré avec un bouchon en plomb. L'autre s'assied à côté en grognant et parce qu'elle lui chatouille le nez, il écarte de son haleine toxique, une dernière mèche qui après toutes ces années était restée accrochée à son crâne.Pfuit! la mèche fout le camp. Fernand fait sauter le bouchon d'un coup de dent, prend une gorgée, fait une immonde grimace, puis soupire.- Ma pire cuvée...Il tend la bouteille au sergent qui fait sa minaude comme s'il n'avait pas déjà bu toute la cave. Et comme la bouteille, la journée s'écoule dans un presque silence, jusqu'à la lie et la nuit s'invite en douce. La lune monte en flèche dans un ciel d'encre. - Dire que tout ce temps, on a voulu faire le boulot.- Ouai... on a donné de nos personnes....- On tué, kidnappé, violé, dépouillé... On a même bouffé des gens!- Et finalement c'était pas utile. - Nan, c'était même contre-productif.- Comme une catharsis qui viendrait par le siège....- Alors que finalement les choses se font toutes seules. - C'est beau quand même- On aurait pu prendre notre retraite il y a des lustres...- Tout ça c'est la faute du vieux con. ... Ils biberonnent. Soudain, une nuée de rats jaillit des azalées, poursuivie par un petit carnassier à fourrure beige. Les rongeurs apeurés disparaissent dans le trou en couinant. Le petit prédateur bondit à leur suite en poussant un cri victorieux...- On aurait dit votre furgolin.- Je croyais qu'il était mort.... Dîtes, on en a vu, vous et moi, pas vrai sergent?- Euh... surtout moi... vous, vous avez eu la belle vie.- Ouai, C'est vrai, j'ai éclaté tous ces peintres. Allez, j'avoue, que peut-être, je vous en ai fait voir.... - Glouglou...- Vous savez, vous pouvez rester si vous voulez. Vous pourriez mener la vie de château. Après tout, vous avez été roi, vous. Je comprendrais.Le sergent parait réfléchir - Oui, mais non, je crois que non. Et puis il y a longtemps que Gudule et mon cousin ont crevé, je ne sais même pas sur quelles tombes je pourrais aller pisser si j'avais du temps libre.... Mais merci d'avoir proposé. Puis la haie frémit à nouveau et cette fois c'est un grand ours tout maigre qui apparaît brièvement avant de se jeter dans le puits sans hésitation. - ...- Celui-là aussi, je l'avais oublié...- Et c'est pas dommage... la honte...Le temps passe. La bouteille est bien entamée. Ils discutent encore de choses et d'autres mais le plus souvent, ils se taisent. Ils attendent.Tandis qu'ils admirent la lune qui est maintenant haut dans le ciel, une ombre se découpe dans la lumière de l'astre nocturne et attire leur attention. Fernand en fin balisticien, évalue la trajectoire puis retire ses jambes du bord.- 'ttention les pieds...Le sergent l'imite tranquillement. Un instant plus tard, une grosse cloche en bronze avec des hublots et des fanfreluches criardes choit du haut des cieux comme un météore hurlant et disparaît dans le trou avec un sifflement. Par réflexe, les deux hommes se crispent dans l'attente de l'impact, mais rien ne vient, rien ne signale qu'elle a touché le fond.C'est de derrière, dans la maison, que parvient finalement un bruit. La porte s'ouvre et le Dodécalogue* apparaît sur le perron tous les sens aux aguets**.Il descend les petites marches en boitillant, entre dans le jardin et s'approche à pas méfiants en tâtonnant le sol de son bâton de marche. Ses yeux aveugles fixés sur nul ne sait quoi, l'air sévère, il s'apprête visiblement à dire quelque chose d'important. Déjà il lève un doigt autoritaire et ouvre sa bouche aux dents jaunies.Alors Fernand saisit sa pelle en douce et place le manche au ras du sol juste devant les pieds du vieux...... qui trébuche et disparaît tête la première dans l'abîme, avec une expression stupéfaite.Fernand et le sergent se regardent un long moment sans rien dire, puis éclatent d'un rire nerveux.-Haa!! Même pas eu le temps d'ouvrir son claque-merde le vioc! Une fois remis, ils finissent de siffler leur bouteille en regardant la lune qui est maintenant au zénith. Et quand la bouteille est vide, ils la balancent dans le trou. -Bon! Super timing! Bientôt Matine! Ça va être l'heure!Ils se penchent par-dessus le rebord pour regarder, ils ne voient rien. Juste le reflet de la lune dans une petite flaque de pisse et de sang de lapin qui suinte tout au fond.- Je crois qu'on y est, cette fois. - Oui, il est temps.Mais pas encore visiblement, car une voix aiguë résonne alors dans leur dos.- Où crois-tu aller comme ça petit merdeux!
Telle une valkyrie de cabaret, la Fée Boulasse se tient dans une pose impérieuse, le menton relevé, une jambe en avant, les mains sur les hanches, des éclairs dans les yeux. Elle porte toujours la même robe à volant aux couleurs impossibles et son boa de plumes roses autour du cou.- Guduuule? hoquette le sergent consterné.La vieille fée ignore le soudard et vient se planter sous le nez de Fernand.
- Je t'ai tout donné! Tu as eu la chance. Tu as été riche, tu as été puissant, tu as eu beaucoup, beaucoup plus que tu ne méritais! Mais c'est fini, maintenant!Sa lèvre tremble de colère. Elle tend un doigt menaçant:- Rends-moi mon sac de paillettes, bougre de fils de putasse!Fernand lâche un soupir auquel se mêle un rôt aigre et lance un regard entendu au sergent. La fouine saisit le coin de l'écharpe rose qui vole au vent et tire d'un coup sec. La vieille glapit, bascule et disparaît dans un froufrou de jupons roses au fond du puits tout neuf. A peine si la flaque de lune a frémi. - Non mais c'était quoi, ça? demande le sergent outré.- Rien, laissez tomber...Fernand s'avance devant le trou et fixe le fond.Le sergent demande: - Bon alors on y va ou quoi?- Allez, hop.- Dîtes... vous pensez que ça mène quelque part?- Oh, je crois, oui!!!.. crie Fernand qui recule pour prendre son élan.- Mais.... où ça? demande le sergent pendant que Fernand bondit.Et tandis que l'un rapetisse en s'éloignant à une vitesse croissante, avalé par le gouffre insondable, Il semble à l'autre entendre la réponse mourante.- Daaaans toonn cuuuuuul!!!!!!! - Quelle vulgarité! Un soupir d'appréhension, une grande inspiration pour chasser ses dernières hésitations un dernier "...et merde..." pour sceller le tout dans une ultime action...Et sans plus de façon, le vieux planton haussant les épaules et se pinçant le nez, s'avance à son tour d'un pas de trop. Et il s'évanouit à jamais dans un immonde bruit de succion. A la toute fin, quand l'aube point, Pas de chaudron, pas d'arc-en-ciel, Au petit matin, ne reste plus, Qu'un trou béant dans le jardin. Fin.*Vieux schnock, gourou ineffable de l'Hydre ** Sauf la vue qu'il a mauvaise. | |
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