[JDR] Carnets de Kirkwood

Citation :

- Ça suffit, Marcelle !

Marcelle, énervée, se tourne vers la voix, façon « qu’est-ce que tu viens de dire sur maman, toi ? ». Puis s’arrête et écarquille les yeux. D’abord, parce que les humains qui l’interpellent, ça fait pas foule. Ensuite parce qu’elle s’attend encore moins à l’interlocuteur qu’elle découvre :


- Qu’est-ce que tu viens faire là, Alphonse ?

- Arrête de faire ta gamine, Marcelle. Ça fait longtemps qu’on a un compte à solder tous les deux…

- De quoi tu parles ?

- De ton territoire qui s’étend un peu trop au détriment du mien. Avant ta venue, j’étais peinard, une brebis par ci par là pour améliorer l’ordinaire, mais depuis que tu es venu t’installer dans le coin, les bergers se méfient beaucoup plus et ça devient la croix et la bannière pour se sustenter…

- Heu, ouais, mais bon, c’est pas franchement le moment ?

- Tss, faire peur à des humains, facile…

On ne peut pas lui donner tout-à-fait tort. Outre que les paroissiens, eux, entendent des grognements et des feulements et non la conversation, il se trouve que le lynx est mal connu. Donc :

- Au loup !

- Un guépard !

- Un quoi ?

- Tais-toi et cours, je t’expliquerais !

Pendant ce temps :

- Bon, ça suffit, Alphonse. Tire-toi, minable, pour qui tu te prends ?

- T’as peur, Marcelle ?

Marcelle pousse un long soupir.

- Faut vraiment que je t’explique tout, morveux ? Tu crois vraiment faire le poids face à moi ?

- Si je suis là…

- D’accord, tu l’auras voulu !

Marcelle se jette sur Alphonse, et la mêlée est évidemment bien confuse pour un œil extérieur. Heureusement, les combattants se séparent et la conversation permet de s’y retrouver :

- Co, comment peux-tu me résister, Alphonse, s’pèce d’avorton ?!

- Pas si avorton, hein ? Hé hé, crois-tu la magie réservée aux humains ?

Pendant ce temps, les félins, le chien et la chèvre refont un passage, un loup aux fesses…

Bon, faut rééquilibrer, bien sûr, je ne sais pas encore comment, on verra bien. Déjà, pour Alphonse, je n'ai pas encore décidé si c'était Myrdhin, la Dame du lac (pourquoi les légendes arthuriennes ne viendraient pas DU lac par excellence, d'abord^^ ?), Morgane, Isis, dieu ou déesse autre...

Citation :

Marcelle l’ourse regarde, ébahie, Alphonse le lynx, qui ricane comme une hyène alcoolique. Oui, y’a plus d’animaux, ma bonne dame. Elle réussit quand même à reprendre la parole :

- Que, qu’est-ce que c’est que cette histoire de magie ?

- Hé hé, je dis « magie » pour qu’une païenne comme toi comprenne. Car je t’ai devinée, adepte d’Odin, ce démon envoyé par le Sans-Nom pour pervertir les bons croyants, hein ?

- Que, quoi, que ?

- Qu’est-ce que je disais, tu croasses, toi une ourse, comme ses deux corbeaux qui l’annoncent d’après vos croyances dépravées.

- Mais, je, comment, enfin, je, quel rapport…

- Oui, immonde rebut d’un temps dépassé, moi Alphonse le lynx, je suis un bon croyant aristotélicien depuis que j’ai trouvé la foi, et j’ai fait mon devoir et ce qu’il fallait pour bannir tes forces malsaines hors d’ici !

- Gnié ?

- Ha ha, ma pauvre Marcelle, moi j’ai protégé le sanctuaire de sainte Glandule*, sur les contreforts du Salève, pourtant oublié des humains, j’y ai apporté des fleurs et l’ai protégé en urinant autour ! Enfin et surtout, j’ai profané tes lieux de débauche et de ripaille symboles de la vilainie de ton maître immonde !

- Dé ? débauche ?

- Ha ha ! Tu avoues, dégénérée !

- Mais je, non, je, mais enfin, de quoi… ?

- Ha ha ha, maudite engeance, tu vas recevoir le châtiment qui attend tous les suppôts…

La pauvre Marcelle encaisse la diatribe d’Alphonse, gueule béante, perdue, se tassant sur elle-même, quand une nouvelle voix retentit :

- Beh, beh, beh, Alphonse, que boilà beau prêche, beh, es-tu aristotélicien romain ou réformé ?

- Heu...

Fait Alphonse, pas fier, pendant que félins, chien, chèvre et loup continuent leur carnaval, poursuivis par un artisan tailleur, deux commentateurs trop prolixes et enfin Machete, qui n’a pas pu se retenir plus longtemps, le naturel revenant au galop, il s’est lancé avec ce dernier** aux trousses des susnommés, lesquels ont simplement suivi le mouvement de la meute...

* Vers 503 - vers 555 d’après la tradition.
Certains considèrent qu’il s‘agit plutôt d’une borne romaine oubliée, d’autres d’un résidu d’auberge, enfin on a émis l’hypothèse qu’il s’agirait d’une stèle qu’un voyageur taquin aurait gravé pour intriguer les érudits.
Mais nul n’ignore de toute façon qu’une prière à la sainte est souveraine contre les corps-aux-pieds.
En tout cas, en Confédération. Au minimum à Genève. Même si dans le quartier du port, c’est encore un sujet de dispute à Pâques. Surtout entre la vieille Mijotte et son beau-père. Encore que ce soit surtout un prétexte, le problème résidant surtout dans la moralité de Mijotte et le différentiel entre son volume et celui de son époux.
** Le naturel, en l’occurrence.

Et il courait derrière toute une armada de bestioles de tous poils et plus il courait, plus il se demandait pourquoi il courait.

- Ma qué ! Porqué jé cours moi ?

Et plus il courait plus tout son attirail faisait un bruit de quincaillerie et plus il se demandait s'il allait réussir à les fourguer ses satanés couteaux.

- Ma qué ! Porqué jé vends pas cuchillos moi ?

Et oui, mine de rien, ça cogitait pas mal dans la petite tête de monsieur "je pète la tronche à tout le monde".
Il en était à son huitième passage dans le temple. A moins qu'il ne s'agisse du neuvième...
Alors il sortit sa machette...
Sa grosse machette...
Sa longue machette...

Dans l'assistance, des "ohhhhhh" fusèrent...
Guimauve Tell se mit à hurler en se pissant dessus :

- Par Déos, ça va être pour ma pomme !

Mais c'est une poire qui fut choisie pour le tranchage. D'un coup sec, il la sectionna en deux et d'un mouvement très précis, en fit voler une moitié directement dans sa bouche.
Oui, c'était l'heure du ravitaillement.
Parmi les fidèles un certain Pierre, véritable pape des commentaires sportifs, se laissa aller à une réflexion que peu entendirent...

- Ici, en direct de Genève, il pleut des poires !

C'est peut-être un détail pour vous... mais pour lui, ça veut dire beaucoup.

Spoiler:

Mad, tu fais quelque chose tout-de-suite d'Olivia (dont je ne vois pas bien quoi faire dans l'immédiat) ou j'entame la suite ?

Je l'envisage ainsi, dans les grandes lignes : constat du bronx, chanson désespérée de Kiki (dernier sermon de Christos), révélation qu'il s'agit de fantômes incarnés dans les animaux... et après je ne sais pas, on verra...
Une idée de chanson pour jouer les exorcistes réformé(e)s ?
Une autre idée de n'importe quoi ?

Euh ben ok, je te fais ça de suite alors

Oky doky, je fais ça tout-à-l'heure, thanks

Citation :

Là, Kiki reçoit le coup qui tue. C’est pas que c’était franchement mieux avant, mais là…
La démission d’Olivia ?
Cata carrément clysmique, pense-t-il…
Car si on prend un tout petit peu de recul, y’a pas de quoi se gargariser l’épigastre de la prunelle des yeux, pense Kirkwood, jamais en retard pour un choc lexical…
Le culte s’achève dans le chaos le plus total.
Un fonctionnaire helvétique décapité.
Une ménagerie délirante qui se la joue. Félin, canin, lupin, caprin, ovin et autres « in » grognent, crient, se baladent, se coursent et s’affrontent au milieu des fidèles, qui alternent sans pause aucune la panique la plus totale et la fascination la plus délirante pour un vendeur de couteaux hispanique.
C’est mal barré pour le prix de la propreté, concours très couru en Confédération.

D’ailleurs, Robert, jeune taureau fringant propriété du vieux Cyrano qui passait par là pour l’amener à la monte chez Roxanne que lui avait chaudement recommandé Christian, un prétentieux Grandsonnais féru des eaux ferrugineuses de la dame, Robert donc, vient d’arriver à son tour dans saint Pierrot. Cyrano se demandait ce qui se passait là pour faire un tel barouf et à ouvert la porte…
Au moment même où Machetemoimescuchillos craque et sort ses cuchillos alors qu’il essaye un magnifique tissu rouge vif qui passe donc en s’agitant beaucoup sous les yeux de Robert, qui s’ennuyait passablement et n’en demandait pas tant…
Et si Machete est capable d’arrêter un troupeau en folie, il sait aussi qu’il y faut un minimum de préparation. Il vient de s’hydrater, certes, et c’est important, mais bon, il fait quand même plus de mille livres, le truc…
Donc ?
Ben Machete reprend sa course et sa réflexion aussi vite que lui permettent ses jambes et Robert.

Vous vous dites, qu’est-ce qu’il attend pour se planquer ou pour se retourner et mettre un direct à Robert ?

Ben non.
C’est que c’est un « ouaryor », un vrai ! L’intellect n’est pas la partie la moins intéressante de tels héros. Leur raisonnement laisse souvent pantois.
Et en effet, quand il passe à hauteur d’Olivia qui vient de présenter son dos à Kiki à l’instant, il la tire dans la trajectoire de Robert, qui surpris, s’arrête et contemple la pauvre femme de ménage…
Laquelle panique, hurle à son tour et se met à courir, captant donc l’attention de Robert qui veut bien changer de cible, après tout, c’est rigolo aussi…

Kirkwood laisse échapper un sanglot pendant que les autres animaux repassent et qu’Ernestine semble s’en prendre à Marcelle l’ourse, qu’un groupe de croyants se dispute pour savoir qui va prévenir la garnison de la ville et que beaucoup prient dans leur coin dans la position du prieur averroïste, à genoux, la tête au sol, dans les travées, alternant les « Maman », les « Mutti », et autres « mufti »*…

* Y’a des analphabètes partout… [/i]

Bon, soit y'a quelqu'un qui vient regonfler le moral de Kiki, soit ça viendra tout seul

Citation :

Tout d’un coup, la porte s’ouvre à nouveau : Azarelle le gracieux tribun, Phonya la gente médicastre et Kartouche l’avoyer de choc, en ce moment tous lieutenants de la garde genevoise viennent en armes.
La garde genevoise.
Ils sont beaux, ils sentent bon le sable chaud.
Ils viennent secourir leurs combourgeois. Ta ta ta !
Toute la science stratégique helvète concentrée :

- Manœuvre 12bis du manuel. Azarelle, couvre-moi par la droite !

- J’aurais plutôt vu la 7 ter ?

- Avec tous les bancs des travées ?!

- Heu, nan, au temps pour moi…

- Et une « enveloppante » ?

- Ah, oui, pas mal, essayons.

- D’accord, déployons les filets de pêche.

Chacun une arme dans une main et le filet dans l’autre, ils hésitent quelques secondes et s’entreregardent pour savoir par lequel de ces animaux en furie ils commencent.
Quelques secondes de trop.
Car une voix stridente s’élève :

- Il suffit ! Je vous interdis de vous en prendre avec la sauvagerie coutumière des soudoyers à ces pauvres animaux innocents !

- Hein ?

- Comment ?

- Qui êtes-vous ?

- Je suis Brigit Bardos, citoyenne de Gstaad, et fondatrice de l’Association pour la protection des Animaux des autres. Vous devrez me passer sur le corps !  

Les lieutenants de la garde reculent. Déjà qu’elle a une voix qui donne envie de lui écraser une pelle de toutes ses forces sur la tronche… Alors en plus, l’idée de lui passer sur le corps dont le visage exhale ses multiples printemps défraichis… La troupe doit réfléchir.

- Non, hors-de-question ! Ca va pas, non ? On voit bien que vous n’êtes pas concernées… ?!

- T’es l’avoyer quand même…

- Et surtout le seul homme parmi nous trois…

- Peut-être, mais je n’ai pas promis de donner mon corps pour faire des expériences médicales. Si tu arrives à trouver ça dans le serment de l’avoyerie de Genève, je te paye des pommes frites au beurre…

- Radin… Bon, on la bute gentiment alors ?

- Une citoyenne helvétique, ça la ficherait mal quand même…

- On aura qu’à dire que c’est l’ourse qui l’a enlevée ?

- Ah ? J’aime bien l’idée…

Kiki sanglote doucement...

Une p'tite idée comme ça.